Delsartism / Grahamism #FoodForThought

Extrait de l’ouvrage La Méthode Somatique Expressive de François Delsatre, Franck Waille.  

S’il est entendu que les enseignements de François Delsarte sont l’une des sources de la modernité des arts de la scène en Occident, il est moins courant de les rattacher au domaine de l’éducation somatique. C’est ce qu’ambitionne de faire cet ouvrage, en se basant sur les études historiques, théoriques mais aussi pratiques les plus récentes sur le sujet. Il est alors possible de mettre en lumière l’interrelation de leurs dimensions expressive et somatique.

Source : https://www.entretemps.org/les-voies-de-l-acteur/231-la-methode-somatique-expressive-de-francois-delsarte-9782355392108.html

Cela nous conduit à poser ici la notion de “delsartisme négatif”, c’est à dire d’enseignements attribués à Delsarte aux Etats-Unis d’Amérique, mais en contradiction avec les enseignements de Delsarte tels que nous les avons mis en lumière dans notre thèse, que cela soit au niveau théorique ou au niveau pratique. Le delsartisme négatif est différent des élaborations faites par des héritiers de Delsarte à partir de ses enseignements, élaborations restant fidèle aux dynamiques pédagogiques, méthodologiques et esthétiques de Delsarte telles que nous pouvons les connaître aujourd’hui. Ces élaborations sont des prolongements positifs du travail d’origine, elles en montrent la fécondité comme elles témoignent de l’inventivité et de la liberté créative des héritiers. Le delsartisme négatif à l’inverse, en introduisant dans le travail de Delsarte des éléments contredisant ces dynamiques pédagogiques, méthodologiques ou esthétiques, est responsable des caricatures auxquelles les enseignements d’origine finissaient souvent par être ramenés (ces enseignements auraient été statiques, mécaniques et stéréotypés, ce qui va à l’encontre de tout ce que recherchait Delsarte) p.41

Et si l’on remplaçait delsartisme négatif par grahamisme négatif ?

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What do you mean you teach? #Pedagogy

Teacher.

What do you teach when you teach dance, specifically Graham?

A dance technique? A system of training? A tradition from a master? A specific physicality? Increased consciousness ? A stronger mind-body connection? A preparation for artistic expression, for performances? Performances on stage? In situ? Do you create a space where one can explore the body’s possibilities and grow as an individual ? A space to exist within a group of individuals and form a community? 

To whom do you teach? Students? Dancers? Artists? Human beings? 

How do you perceive and choose to embody your teacher’s role? A master? A guide? A pedagogue? A transmetteur ? An innovator? An artist? A creator? 

Why do you teach? 

What reality do you want to create? What do you expect from your teaching? Do you want to inspire? To push? To open up possibilities? 

Who learns, who grows through the process and how? 

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Enseignant.

Qu’est-ce que tu enseignes quand tu enseignes la danse, en particulier Graham ? 

Une technique de danse ? Un système de formation ? Une tradition d’un maître ?  Une physicalité spécifique ? Une conscience accrue ? Une meilleure connexion corps-esprit ? Une préparation à l’expression artistique, à la performance ? Performance sur scène ? In situ ? Es-tu dans la démarche de créer un espace où chacun peut explorer les possibilités du corps et grandir en tant que personne ? Un espace pour exister au sein d’un groupe d’individus et former une communauté ?

À qui enseignes-tu ? Des élèves ? Des danseurs ? Des artistes ? Des êtres humains?

Comment perçois-tu et choisis-tu d’incarner ton rôle de professeur ? Comme un maître ? Un guide ? Un pédagogue ? Un transmetteur ? Un innovateur ? Un artiste ? Un créateur ?

Pourquoi enseignes-tu ? 

Quelle réalité veux-tu créer ? Qu’attends-tu de ton enseignement ? Veux-tu inspirer ? Contribuer à repousser les limites ? Ouvrir des possibles ? 

Qui apprend, qui grandit à travers ce processus et comment ?

Nô / Graham ? #FoodForThought

Excerpt from the book La Maître de Nô, Armen Gobel.  

The nô theatre, traditional and sacred art proper to Japan, remains an enigma for the West but Armen Gobel had the chance to train with a nô master who took him as a disciple. Since this artistic and spiritual initiation, he has become one of world’s foremost specialists of the nô.

Source: https://www.albin-michel.fr/ouvrages/le-maitre-de-no-9782226151841

Without doubt, I am now able to feel what makes his acting autonomous, the interesting part expressed there, without betraying the form inherited from the tradition. His acting indeed maintains this gained experience, while opening the way to the unexpected to come. Thereby and obviously, the nô must be perpetuated as a living theatrical form and not remain a museum of gestures. In this way, the nô expresses its here and its now, without distorting its origin. Without departing from the ways, he opens new ones. Thus passed on from father to son, it assures its future.

What if we replaced the word Nô by the word Graham?

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Extrait de l’ouvrage La Maître de Nô, Armen Gobel.  

Le théâtre de nô, art traditionnel et sacré propre au Japon, demeure une énigme pour les Occidentaux mais Armen Gobel a eu la chance de se former auprès d un maître de nô qui le prend pour disciple. Il est devenu depuis cette initiation artistique et spirituelle l'un des plus grands spécialistes mondiaux du nô.

Source : https://www.albin-michel.fr/ouvrages/le-maitre-de-no-9782226151841

Sans doute, maintenant suis-je à même de sentir ce qui fait l’autonomie de son jeu, la part intéressante qui y est exprimée, sans que son jeu trahisse la forme héritée de la tradition. Son jeu en effet maintient cet acquis, tout en lui ouvrant la voie vers l’inattendu à venir. Par là même et à l’évidence, le nô doit se perpétuer comme une forme théâtrale vivante et non demeurer un musée de gestes. Par là même, le nô exprime son ici et son maintenant, sans dénaturer son origine. Sans s’écarter des voies, il en ouvre de nouvelles. Ainsi transmis de père en fils, il assure son devenir.

Et si l’on remplaçait le mot Nô par le mot Graham?

When to share? #ResearchProcess

Share.

I wanted to write on the spot, give fresh news on the research, while being on the field but somehow I couldn’t. As if it was so precious, so delightful, so unconceivable what I was going through that I couldn’t share it... yet. It had to be mine, just mine, a little bit longer. As long as I can still taste its resonance within me, its exponential potential. Sharing it would also mean using words and so restrict the experience with words, especially words that aren’t even my mother language. It would have been a betrayal, a caricatural, a forced expression of what I was going through. Emotionally. Intellectually. 

What is the right moment to write, to share, to somehow accept to freeze it in time with defined words? Difficult to anticipate. Won’t it come naturally? Once I « digested » it and had the opportunity to enjoy this intimacy? An intimacy that is nowadays precious because it is being attacked by constant posting on Social Media and the sickly urge to be connected.

It takes time. Time to write and/or time to figure out what you want to share, which aspects of your experience and findings you chose to highlight. 

It takes time and time changes you and changes how you perceive what you experienced.

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Partager.

J’avais envie d’écrire sur le moment, de donner des nouvelles fraîches de ma recherche, sur le terrain mais en quelque sorte je n’ai pas pu. Comme si ce que je traversais était si précieux, si délicieux, si inconcevable que je ne pouvais pas le partager... pas encore. Il fallait que ça m’appartienne, que ce soit juste à moi, pendant quelque temps encore. Tant que je pouvais le laisser résonner à l’intérieur de moi et goûter son potentiel exponentiel. Partager, cela signifierait aussi employer des mots et restreindre ainsi l’expérience avec des mots, parfois des mots qui ne viennent pas de ma langue maternelle. Cela aurait été une trahison, une caricature, une expression forcée de ce que je traversais. Émotionnellement. Intellectuellement.

Quel est le bon moment pour écrire, pour partager, pour accepter en quelque sorte de poser la chose en la définissant par des mots ? Difficile à anticiper. Ce genre de chose ne vient-il pas naturellement ? Une fois « digéré » et après avoir joui de cette intimité ? Une intimité aujourd’hui précieuse car attaquée de toutes parts avec des posts constants sur les médias sociaux et une envie maladive d’être connecté.

Cela prend du temps. Du temps pour écrire et/ou du temps pour se décider : que partager, quels aspects de votre expérience et de vos trouvailles mettre en avant ?

Il faut du temps et le temps vous change et change la façon dont vous percevez ce que vous avez vécu.

Butō / Graham ? #FoodForThought

Excerpt from the research project summary « The world is your teacher. Transmission of butō by Yoshito Ohno at the Kazuo Ohno Dance Studio », by Ana Rita Teodoro

Source : https://www.cnd.fr/fr/file/file/127/inline/Ana%20Rita%20Teodoro.pdf

The peculiarity and richness of butō did not lie in its aesthetics but rather in its processes of learning, of incorporating words for the construction of an imaginary, and in the absence of models of movements to copy. With the first generation of butō dancers slowly disappearing, it seemed essential to me to return to these dance studios and collect the transmission modes of butō as well as focus my attention on the alterations of corporeities induced by this transmission. This research tries to restore the living processes to create butō in order to better move away from an aesthetic that sometimes seems frozen.

What if we replaced the word Butō by the word Graham?

Kazuo Ohno Dance Studio, Japan, 2017. Yoshito Ohno, Nicole Vivien Watson. Credit Photo: Paul Miller

Kazuo Ohno Dance Studio, Japan, 2017. Yoshito Ohno, Nicole Vivien Watson. Credit Photo: Paul Miller

Extrait du résumé du projet de recherche « The world is your teacher (Le monde est ton professeur). Transmission du butō par Yoshito Ohno au Kazuo Ohno Dance Studio », par Ana Rita Teodoro

Source : https://www.cnd.fr/fr/file/file/127/inline/Ana%20Rita%20Teodoro.pdf

La particularité et la richesse du butō ne se trouvaient pas dans son esthétique mais plutôt dans ses processus d’apprentissage, d’incorporation des mots pour la construction d’un imaginaire, et dans l’absence de modèles de mouvements à copier. Avec la lente disparition de la première génération des danseurs du butō, il m’a semblé essentiel de revenir vers ces studios de danse et recueillir les modes de transmission du butō ainsi que porter mon attention sur les modifications des corporéités induites par cette transmission. Cette recherche essaye de restituer les processus vivants de fabrication du butō pour mieux s’éloigner d’une esthétique qui semble parfois figée.

Et si l’on remplaçait le mot Butō par le mot Graham?

Should research give you answers? #ResearchProcess

Research.

I believe, research is a path one should take, only when you are overwhelmed by questions about a field that fascinates you. However, getting funding and bringing your project to life is another story. A project will only be funded if it is relevant to many people and communities. Then you have to play by the rules of the grantor.

Questions. A multitude of questions, multi-dimensional questions. Then along the way, research uncovers new materials, new perspectives, unknown territories, and culminates in new questions.

To ask questions is also to question. That’s the thing I love. The starting point of a research is simple: what you know is only what you know. It is by definition narrow and subjective. Your research will lead you to places that you have not conceptualized or that you cannot anticipate since your materials and evidence were not gathered yet.

Should we find the answers to our questions through the research process? Is there such a thing as “the answer”? If there was one truth - in terms of my project, one way to experience dance, transmission and human relationships - there would be clear answers. The kind of answers that would neatly close the discussion. But that is not the case, truth is not one thing, after embarking on your research project your questions will not necessarily be answered. The point of research is rather to continually refine and distill our questions. Research is not about finding ‘the answer’ but re-phrasing, and revealing the essence of each question.

I believe questions lead to freedom. They open our horizons and encourage a diversity of intellectual frameworks. They allow us to re-evaluate current beliefs, masquerading as reality, and interrogate our theoretical methods and approaches. Research, to me, is not escaping Plato’s cave and seeing clearly the final answer, but rather tracing the shadows-illusions on the wall and exposing the rich complexity of the world.

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Recherche.

Je crois qu’un tel chemin s’impose de lui-même lorsque les questions fusent, de nombreuses questions et que vous êtes face à un champ qui vous fascine. Bénéficier d’un financement et en faire une réalité est une autre histoire. Il faut dès lors que la recherche ait un potentiel pour le plus grand nombre, qu’elle prouve sa pertinence et il faut se plier aux règles de l’institution qui est prête à financer.

Questions. Une multitude de questions, des questions multidimensionnelles. Puis en chemin, de nouveaux matériaux, de nouvelles perspectives et des territoires inconnus sont découverts grâce à la recherche et aboutiront à d’autres questions.

Poser des questions, c’est aussi questionner, remettre en question. Voilà précisément ce que j’aime. Le point de départ d’une recherche est simple : ce que vous savez n’est que ce que vous savez. C’est par définition restreint et subjectif. Vos recherches pourraient vous mener dans des espaces que vous ne pouviez pas alors conceptualiser, ou que vous ne pouviez pas prévoir, dans la mesure où vous n’avez pas encore recueilli cette nouvelle matière et des preuves.

Les questions devraient-elles trouver des réponses tout au long du processus de recherche ? Y a-t-il une réponse ou la réponse ? Les questions ne trouveront pas nécessairement de réponses. S’il y avait une vérité - une façon d’expérimenter la danse, la transmission et les relations humaines dans le cas de mon projet en particulier - il y aurait des réponses claires. Le genre de réponses qui nous ferait asseoir à la même table et mettrait fin à toute discussion potentielle. Cependant, les questions que nous formulions au départ peuvent devenir de plus en plus précises. Ainsi, la recherche ne consisterait pas à trouver des réponses, mais à reformuler, à trouver ce qui se cache et se joue vraiment derrière chaque question.

Je crois que les questions nous frayent un chemin vers la liberté. Elles ouvrent l’horizon et encouragent la diversité des cadres de pensée. Elles nous permettent de réévaluer les croyances actuelles - qui se font passer pour la réalité - les méthodes et les approches théoriques. La recherche, pour moi, ne consisterait alors pas à sortir de la caverne de Platon, avec des réponses finales, mais consisterait plutôt à identifier les ombres-illusions sur le mur et donner à voir la complexité du monde.